“Les voix d’Handi Surf” #2 - Dorian Lafitte, la passion au service du handicap
Il a 30 ans et depuis 12 ans il enseigne le surf avec passion au sein du club de surf Ocean Roots sur le bassin d’Arcachon. Encadrant formé à la méthode Handi Surf depuis 6 ans, il est notamment reconnu pour son action auprès des jeunes de l’association M en Rouge. Dorian Lafitte, sacré meilleur éducateur Handi Surf de France en 2018, nous raconte la passion qui l’habite pour son enseignement auprès des jeunes en situation de handicap.
“Une fois que j’ai mis le nez dedans, je n’ai plus lâché !”
Certains ont la fibre de l’enseignement et c’est assurément le cas de Dorian Lafitte. A peine majeur, ce passionné de surf et de bodyboard délaisse la compétition qu’il pratique au niveau national, pour se consacrer à l’enseignement de son sport-passion au sein du club où il a évolué : l’Ocean Roots sur le bassin d’Arcachon. Un peu par hasard, il se voit associé dans un projet du club autour du surf et des personnes en situation de handicap et fait partie de la première promotion à être formée à la méthode Handi Surf. Quatre ans après il est élu meilleur éducateur Handi Surf de France. La raison ? Le plaisir qu’il prend à cet enseignement un peu spécifique et les actions qu’il a mises en place avec les jeunes de l’association M en Rouge. Un éducateur qui marche au challenge et aux sourires des jeunes qu’il encadre.
Bonjour Dorian ! Cela fait plusieurs années maintenant que tu encadres la pratique « Handi Surf ». Comment es-tu arrivé à t’impliquer auprès des personnes en situation de handicap ? Pourquoi avoir décidé de te former à la méthode Handi Surf ?
Bonjour ! Si j’ai commencé à faire surfer des personnes en situation de handicap et que je me suis formé pour, c’est un peu par hasard. Je ne connaissais pas vraiment cette pratique. C’est grâce à une convention signée entre le club où j’enseigne, l’Ocean Roots, et l’USCBA (Union des Surf-clubs du Bassin d’Arcachon) que ça a commencé. Grâce à ce partenariat, on a pu avoir des locaux accessibles avec douches et vestiaires, ce qui nous a permis de développer de nouvelles actions, de nouveaux projets… et notamment celui porté par le président de l’USCBA de l’époque, Bertrand Druart, et les associations Grandir avec ABA et M en Rouge ! C’était en 2014, ils souhaitaient monter un projet autour du surf pour les personnes en situation de handicap et la même année l’Association Nationale Handi Surf organisait sa première formation. On m’a proposé d’être l’éducateur de la structure qui irait se former, j’ai accepté… et une fois que j’ai mis le nez dedans je n’ai plus lâché !
Qu’est-ce que t’apportes ton enseignement auprès des personnes en situation de handicap ?
Une capacité d’adaptation et beaucoup de joie ! Je travaille beaucoup avec l’association M en Rouge et donc majoritairement avec des personnes porteuses d’autisme. Le maître mot de l’enseignement auprès des jeunes que je suis c’est l’adaptation : l’adaptation de la pédagogie à la personne à qui l’on enseigne. Chacun fonctionne différemment, il faut donc sans cesse adopter une approche différente. C’est l’enseignement à partir de la personne qui me plait, c’est toujours stimulant ! J’enseigne le surf depuis 12 ans maintenant, et ce qui me marque dans ces cours c’est la joie et l’émotion qui y règnent. C’est différent du public dit « valide », ils ne cachent pas leur plaisir d’être là, que ce soit en piscine ou dans l’Océan, c’est toujours un vrai bonheur pour eux et donc pour moi.
Tu es le moniteur référent du programme Handi Surf de l’association M en Rouge, et tu encadres des séances d’aisance aquatique en piscine tous les premiers dimanches du mois : est-ce que ces moments sont importants pour la pratique en milieu naturel ?
Oui, c’est certain. On a vu que c’était nécessaire lors de la première entrevue avec les enfants et les familles pendant un week-end Handi Surf à la plage de La Salie. Certains enfants ne mettaient même pas les pieds dans l’eau, c’était assez compliqué. Avec Carol Combecave (N.D.R.L Présidente de l’association M en Rouge) on a donc voulu mettre en place des séances en piscine, comme le proposait la méthode Handi Surf. Le but c’est de faire de l’aisance aquatique en relation avec la pratique du surf, et ainsi de familiariser les enfants à l’eau, au matériel, à la planche, de créer un lien de confiance avec l’éducateur. Par le jeu on leur apprend à souffler dans l’eau, à faire l’étoile de mer, à respirer, à flotter etc… Ils s’habituent aussi au bruit ambiant de la piscine, et sont moins déstabilisés par la stimulation sensorielle qu’ils subissent en bord de mer. Ces séances sont donc importantes pour la pratique en milieu naturel et les progrès réalisés par les enfants en piscine se ressentent dans l’Océan… où en tant que surfeur je suis quand même bien plus à l’aise !
Depuis 2017, tu emmènes des jeunes de l’association sur les Championnats de France de Surf : comment t’es venu l’idée d’amener ces jeunes en compétition ? Est-ce que c’était une demande de leur part ?
Alors pour être honnête l’idée n’est pas venue de moi ! C’était une envie des jeunes et de leurs parents. J’étais même un peu frileux à cette idée, j’avais peur que l’environnement de la compétition, avec son lot de stress et de compétitivité ne soit néfaste pour le groupe, que ça entraine de trop grandes frustrations. Finalement Jean-Marc (N.D.R.L Jean-Marc Saint-Geours, Directeur et co-fondateur de l’Association Nationale Handi Surf) nous a poussé et en 2017 pour la première fois nous avions 5 jeunes qui représentaient les couleurs de M en Rouge et du club Ocean Roots au sein de la catégorie Para Surf Adapté des Championnats de France de Surf (N.D.R.L une catégorie qui existe depuis 2015). L’effet de cette compétition a été tout l’inverse de ce que je craignais : ils se sont très bien débrouillés, ils étaient vraiment heureux, solidaires et ont été boostés par cette participation d’où chacun est ressorti gagnant. La motivation est telle, que l’année passée nous étions 9 jeunes de l’association M en Rouge et du club Ocean Roots dans la catégorie… sur 11 compétiteurs !
La cérémonie de la remise des prix l’an passé a été le point d’orgue de notre travail et pas seulement parce qu’ils ont eu le privilège, que beaucoup de surfeurs doivent leur envier, de se voir remettre leur prix par Jérémy Flores. Pour la première année, la remise de prix de la catégorie Para Surf Adapté avait lieu au même moment que celle des autres podiums, ce qui veut dire qu’ils ont reçu leur prix devant une salle bondée, bruyante et clairement enthousiaste, ce qui peut se révéler difficile pour des personnes porteuses d’autisme. Comme l’ensemble des compétiteurs, ils ont simplement profité du moment. Dans ces moments-là, on se souvient des premières séances avec eux, quand les parents et les médecins nous disaient que certaines choses seraient impossibles, qu’il y avait des limites et des freins qui semblaient insurmontables. Quand il me semblait parfois que la progression était limitée, qu’on tournait en rond. Finalement, quand on prend du recul et qu’on voit l’évolution des jeunes c’est impressionnant ce que le surf a pu leur apporter. Pour beaucoup, cela a eu un impact dans leur vie quotidienne, notamment sur la concentration à l’école. C’est super !
Quel mot définit pour toi ton engagement auprès de ces jeunes ?
Le Partage !
Dans le contexte actuel, difficile pour de nombreux surfeurs, as-tu des nouvelles de tes jeunes ? Ont-ils hâte de reprendre les activités surf ?
Avec certains on garde le contact, je reçois des messages, des mails, des messages vocaux des enfants envoyés par les parents… c’est très sympa. Ils nous tardent à tous de reprendre le surf, et il me tarde de les revoir. Pour le moment on prépare le potentiel retour à l’eau, on est en train de mettre en place des exercices qu’on va leur envoyer pour qu’ils se remettent un peu au boulot ! Quand il sera possible de rouvrir le club, nous avons prévu, avec les consignes données par l’Association Nationale Handi Surf, de faire des cours particuliers et de mettre à l’eau les aidants familiaux pour le respect des gestes barrières. Ils vont pouvoir mettre à profit ce qu’ils ont appris en surf (beaucoup d’aidants se sont mis à la pratique du surf pour partager la passion de leur enfant) et lors de la formation Handi Surf qu’ils ont suivie l’an passé !
Sandra Saint-Geours